Comment guérir du mal de mère ?

 

Être mère… ou le devenir ?

 

À l’occasion de la Fête des Mères, de nombreux messages défilent sur les réseaux sociaux. Parmi eux, beaucoup d'idées reçues : être mère serait  forcément épanouissant. À en croire les témoignages d’amour et de gratitude, on pourrait croire que tout le monde a ou a eu une mère merveilleuse, aimante, structurante. Or, devenir mère n'est pas forcément simple, naturel, instinctif, comme d’aucuns voudraient nous le faire croire. Cet effet de masse a pour conséquence d’une part de culpabiliser les mères qui ne se reconnaissent pas dans ces descriptions : celles qui vivent un burnout parental, qui ont des enfants «difficiles», qui n’étaient pas du tout préparées à devenir mère, qui peut-être ne l’ont pas souhaité, et pour lesquelles la lecture de ces propos amplifie encore le sentiment d’inadaptation. D’autre part, de nombreux ex-enfants devenus grands n’ont pas pu bénéficier des soins d’une mère aimante et idéalisée telle que les décrivent les internautes. Certaines mères sont totalement inadéquates : soit qu’elles maltraitent leur enfant physiquement ou psychologiquement, soit qu’elles laissent abuser leur enfant par un père ou par un autre parent, soit plus simplement (et ça n’est pas réducteur dans mon propos) qu’elles soient indifférentes, distantes, insécurisantes.

 

 

La maltraitance psychologique

 

Souvent mésestimée, elle peut s’avérer pire que la maltraitance physique si souvent médiatisée, justement parce qu’elle est invisible et laisse ses empreintes à l’intérieur.

 

L’enfant ou l’ex enfant abusé se trouve dépourvu de traces tangibles à exhiber, si bien qu’il peut finir par douter lui-même de la véracité des abus qu’il a subis. Il a tendance à les nier, à les minimiser, à trouver une justification dans un déséquilibre personnel. Comme pour tout enfant, sa mère est parfaite, c’est donc bien lui qui doit avoir une tare. La personnalité s’en trouve déstructurée.

La maltraitance psychologique laisse des bleus et des plaies à l’âme, mais pas seulement… au même titre que la maltraitance physique, le corps en est marqué : tout ce que nous vivons passe par le corps. Lorsque nous subissons un traumatisme, qu’il soit d’origine physique ou psychologique, notre corps réagit. Ne dit-on pas : il est resté sans voix, ça lui a coupé les jambes, les bras m’en tombent, perdre la tête, avoir le souffle coupé… ? Le corps enregistre sous forme de tensions corporelles et  les associe à ce qui est vécu sur le plan émotionnel et relationnel. Il enregistre ce que nous vivons (surtout lorsque l’expérience est répétée de nombreuses fois) sous forme de tensions, dans nos muscles, nos articulations, nos os, nos tissus, nos cellules mêmes. Nous construisons également une série de croyances dans le but de gérer au mieux la situation. Notre corps crée des liens entre les vécus corporels, émotionnels et ces croyances qui, à terme, peuvent se révéler handicapantes. Nous nous retrouvons avec des douleurs musculaires inexpliquées, une respiration perturbée, un dysfonctionnement des organes, dans une posture de protection, d’évitement, de repli, des situations où nous nous figeons, tout à coup terrorisé. À force de se répéter, ces diverses tensions peuvent dégénérer en maladie. Ces perturbations sont autant d’exemples de traces qui subsistent dans le corps suite à ces abus et peuvent conduire sinon à un mal-être général ou à la maladie, à des comportements inadaptés, à un feu d’artifice émotionnel ou au contraire à une coupure totale de ses émotions et de son ressenti, à des perturbations dans les relations aux proches, aux amis, aux collègues de travail.

 

 

La mère autruche

 

Pour la mère qui est témoin de la maltraitance de son enfant par un proche ou un moins proche, la réaction qui consiste à fermer les yeux, nier, refuser de voir, discréditer l’enfant, est malheureusement la plus naturelle qui soit. Ouvrir les yeux, reconnaître que l’enfant est maltraité, admettre son impuissance à le protéger, prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l’abus demande une conscience et un courage hors-pair.

 

La mère envahissante

 

Une autre forme de maltraitance, encore plus difficile à justifier car, de l’extérieur, la mère paraît particulièrement attentive, est le schéma de la mère envahissante : elle paraît câline, mais en réalité, elle contraint l’enfant à lui donner des câlins, parfois contre son gré, elle accapare l’enfant, le contrôle, elle possède (ou souhaite posséder) le corps de son enfant, et là aussi, comme lorsqu’il reçoit des coups, l’enfant est touché de manière inadéquate.

 

La mère indifférente

Il s’agit de la mère qui va très peu toucher son enfant, juste le minimum nécessaire pour les soins corporels, et encore. Elle ne le câline pas, ne le prends pas dans les bras, ne lui dit pas des mots doux, ne l’encourage pas, ne le valorise pas. Elle peut être comme « absorbée en elle-même », au « anesthésiée », c’est à peine si elle remarque la présence de l’enfant, il n’existe pas. Ces enfants-là vivent une carence grave du toucher, car c’est souvent méconnu, mais être touché est un besoin fondamental au même titre que manger et boire.

 

Libérer et réparer… par le toucher

 

Si nous avons été victime d’une mère maltraitante, lorsque nous avons fait un travail personnel suffisant, au-delà de la colère, de la peur, de la haine, et de toutes les larmes, nous pouvons parvenir, un jour, à la remercier, au moins intérieurement. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, elle nous a permis de sortir de cette expérience grandi. Nous avons survécu. Ce ne sont pas les situations faciles qui nous aident à grandir, mais bien les frustrations, les injustices, humiliations, carences qui nous poussent à rechercher en nous les ressources pour survivre, de mettre au point des stratégies pour tout de même parvenir à bon port. Ces ressources et ces stratégies, nous les avons acquises lorsque plus tard, nous nous trouvons à nouveau dans des situations difficiles : L’ex enfant abusé sait comment faire pour survivre à une situation de travail qui serait inextricable pour un ex enfant qui n’a pas dû développer ces stratégies. Mais au-delà, il s’agit de vivre et non de survivre, et cela demande libération d’abord, mais aussi réparation.

 

Le toucher tel que je le pratique remplit ces 2 fonctions : c’est un toucher libérateur et réparateur, qu'il s'agisse de massage holistique ou d'autres techniques comme la réflexololgie plantaire ou qu'il aille plus en profondeur afin de prolonger l'effet des séances de toucher dans la vie par des techniques empruntées aux thérapies psycho-corporelles, comme la relation d'aide par le toucher. Il libère des tensions corporelles et des émotions associées qui sont cristallisées dans le corps. Il peut également véritablement soigner le corps, mettre un baume sur les plaies, cicatriser les blessures, réparer les manques. Bien sûr, les cicatrices restent, et non seulement elles ne se rouvrent plus, mais nous pouvons les regarder avec amour et bienveillance, avec gratitude. Nous pouvons même, à terme, les trouver belles et en retirer de la fierté et du réconfort.

Lorsque nous voulons véritablement rencontrer une personne, il serait peut-être plus judicieux, plutôt que de constater qu’elle a de jolis yeux, de lui demander : avez-vous de belles cicatrices ?  Au-delà des apparences, ce sont ses cicatrices et la relation que la personne entretient avec elles qui témoignent le mieux de qui est cette personne en réalité.

 

Puisque le corps est indissociable de l'esprit, du cœur, de l’âme, le toucher les répare également.

 

Devenir une bonne mère pour soi

 

Entreprendre cette démarche de libération et de réparation demande du courage.

 

La véritable liberté est à ce prix. Le mieux-être (et non le bien-être, car être « mieux » n’est pas toujours être « bien ») – être mieux soi, plus soi, plus souvent, plus intensément–est exigeant, mais oh combien gratifiant. Il demande de ne plus (se) fuir, d’accepter ce qui est là dans l’instant, que ça soit agréable ou désagréable, de se responsabiliser, de s’autonomiser, de prendre soin de soi, de s’aimer véritablement. Et tout cela s’apprend. Il n’est jamais trop tard.

 

Les ex-enfants « mal touchés », maltraités physiquement, psychologiquement, pas touchés du tout, trop touchés, présentent souvent soit une avidité à recevoir ce toucher maternant, structurant, qui leur a tellement manqué, à se confronter à ce toucher qui leur a fait tant de mal dans le but de réparer leurs blessures, soit au contraire ils ont tendance à fuir, à être en colère contre ou à avoir peur de ce toucher dévastateur. Qu’on en soit avide ou qu’on le fuie, c’est exactement pareil. Ce sont juste deux réponses opposées à la même blessure qui crie son besoin d’être soignée. Dans tous les cas, il s’agit pour l’ex enfant de se réapproprier son corps. Et comme l’approche de la relation d’aide par le toucher n’implique pas forcément d’être massé, mais propose aussi, par exemple, des techniques de toucher sécurisant, elle est tout à fait indiquée afin d’aider ces personnes à reprendre le pouvoir sur leur propre corps, même pour celles qui craignent ou fuient le toucher.

En ce lendemain de Fête des Mères, je souhaite à chacun, à chacune d’entre vous de devenir une bonne mère pour vous-même, d’accueillir en vous une mère intérieure bienveillante, aimante, valorisante, chaleureuse, indulgente, bref, d’être pour vous-même la mère que vous avez toujours méritée et de la célébrer en lui offrant une fête digne d’elle.

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