J’apprends des personnes que je reçois
Mes patients/clients m’impressionnent et me touchent souvent par leur courage, leur énergie face à ce que la vie leur réserve. Certains incarnent très concrètement des valeurs auxquelles je tiens, mais qui, sans eux, resteraient pour moi de belles intentions, des concepts, des ouï-dire, des voeux pieux. Lorsque je rencontre quelqu’un, je perçois la beauté de son âme qui trouve à s’exprimer au travers de son corps et je m’en émerveille. Ils ne cessent de susciter en moi un respect mêlé d’admiration pour la vie et l’être humain, source inépuisable de fascination. Ils creusent en moi comme un sculpteur le ferait dans la pierre le sens du mot « humilité ». C’est pourquoi je tiens à vous partager ici quelques leçons de vie qu’ils m’ont données. C’est ma façon de les remercier d’avoir croisé ma route et de m’avoir partagé leur lumière.
Le château de cartes
Une quinzaine de massage assis sur le lieu de travail aujourd’hui. Je vois arriver la cliente suivante que je ne connais pas encore… dans une chaise roulante motorisée complètement équipée, comme le sont celles des paraplégiques. Petit entretien de routine : Myopathie. Les muscles des jambes ont lâché. Et les autres, peu à peu, font de même. Si elle sent partout ? Oui ! C’est une myopathie, pas de la paraplégie. « Ça a commencé quand j’avais 7 ans. J’ai couru, j’ai fait plein de bêtises ! » Étincelle espiègle dans les yeux et ce sourire si serein qui inonde son visage en permanence. Tout massage fait du bien et elle vient profiter de quelques moments de répit. Profiter de la vie, tant qu’elle est là.
Émotion de sentir ces muscles à la fois tendus et affaiblis qui se relâchent un peu sous l’effet de mes soins. Son sourire se transforme lentement en une vague de béatitude qui envahit son visage. Une immense douceur émane de cet être qui aime la vie avec profondeur, intensité, authenticité. Et soudain, se rappellent à moi : profiter de chaque instant, saisir l’étincelle, accueillir ce qui est là, maintenant, être présent à soi, au monde, à la vie, accepter qui l’on est, comme on est. L’éphémérité n’est pas juste un concept, c’est la réalité de la vie, son essence même. Accepter ce qui est, l’accueillir, même, lorsque c’est aussi compliqué, quel challenge ! Il me vient l’envie de faire ce geste qu’on voit les Indiens (habitants de l’Inde) faire lorsqu’ils se rencontrent : Namasté, je m’incline devant toi, ou, selon moi, plus exactement : le divin en moi s’incline devant le divin en toi.
Touchée par cette jeune femme qui parle avec pudeur, clairvoyance et délicatesse. Elle semble avoir plongé tellement profond au cœur d’elle-même qu’elle peut tout accueillir avec lucidité et simplicité, comme si elle avait touché la source en elle et que cette source a débordé vers l’extérieur, purifiant tout de son eau limpide pour ne plus laisser transparaitre que l’essentiel : cette part d’elle que rien ne peut détruire brille à travers ses yeux, son sourire, son souffle même. Son immuable éternité. Elle est éphémère… et éternelle. Est-ce que c’est cela rayonner ?
Elle est de ces personnes qui n’ont plus besoin de faire quoi que ce soit pour transformer le monde autour d’elles. Touchées par la grâce. Leur présence suffit.
Sans l’ombre d’une trace d’apitoiement sur elle-même, elle se décrit paisiblement comme un château de cartes qui s’écroule lentement, chaque jour, petit à petit. Fondu enchaîné, sur ces merveilleux mandalas de sable que j’ai vu les tibétains dessiner durant des heures et des jours… et balayer d’un revers de main. Mon cœur retient son souffle…
Leçon de vie. Respect, humilité, gratitude. Merci à la vie. Merci pour cette belle rencontre. Merci pour cette belle âme qui illumine le monde. Merci Zineb Ramdani.